Arrivée de la Belle Ile

Adèle s'était équipée d'une carte, elle ne connaissait pas encore la région aussi bien qu'elle l'aurait voulu. Mais son cousin lui avait donné le nom du château, et il ne fut pas si dur de trouver le château de Cléron finalement.

Ôtant distraitement sa cape de laine qui lui servait pour le chemin, elle entra en douceur dans les salons d'accueil de la chancellerie. Elle était ambitieuse certes, mais savait cependant faire les choses dans les règles. En douceur, comme si elle flottait, elle se laissa glisser dans un fauteuil, observant discrètement les lieux. Un sourire délicat vint ourler ses lèvres carmins. Le froid de la route avait piqué ses joues de rose, et son souffle était encore court. Elle espérait qu'elle aurait le temps de reprendre son souffle avant la venue de Cesare ou de la personne chargée de l'accueil.

Et c'est un Cesare las qui apparut quelques temps après dans le salon où se trouvait La Belle-Île. Il était des périodes où le travail était plus importants... Et cela ne suivait pas les saisons. Offrant un sourire à la rousse dame, Cesare s'inclina légèrement.

Soyez la bien venue à Cléron. Veuillez pardonner cette attente. Avez-vous fait bon voyage? Voulez-vous quelque chose? Un rafraîchissement, qu'on prendra durant l'entretien.

Comme à son habitude, il prit de quoi écrire, non sans avoir fait signe au valet de préparer de quoi rendre la rencontre plus agréable. Et c'est sans attendre que le chancelier débuta.

Bon. Commencez par me parler de vous.

Adèle était satisfaite. L'attente n'avait pas été longue, et elle lui avait surtout permis de reprendre son souffle et d'arborer un visage convenable lorsque son cousin arriva. Elle lui sourit doucement, plongeant son regard dans le sien, jouant un instant distraitement avec sa broche en or représentant une rose qui ne lui quittait pas le cœur.

Cher cousin. Merci de me recevoir. Je prendrais volontiers un chouchen, et si vous n'en avez pas, un hydromel fera l'affaire.

Elle s'arrêta un instant. Essayant de lire en lui. Elle n'aimait pas parler d'elle, ayant trop peur de trahir son secret. De plus, Cesare semblait particulièrement las. Aussi, la phrase suivante lui vint tout naturellement :

Mon pauvre Cesare, j'ai l'impression que vous allez vous tuer à la tâche. Je pense sincèrement que vous devriez vous reposez un peu. Pourquoi ne pas s'asseoir vous et moi, et deviser tranquillement ? Nous ne parlerons pas de moi, ou de mes... Ambitions.La jeune femme avait senti que Cesare savait à quel point elle était ambitieuse, il était temps pour lui de découvrir qu'elle était fidèle avec sa famille également.

De plus... Il n'y a rien d'intéressant à dire sur moi à ce jour. Vous savez déjà tout. Ma famille a juger bon de m'éloigner de mon frère, et j'ai été élevé en Bretagne, dans une famille de paysans... très croyants. Hélas, rien de bien palpitant j'en ai peur.

Cesare écouta l'ensemble des tirades de la jeune femme, gardant un air impassible. Une foi qu'elle eut fini sa dernière phrase, il répondit :

Pour information nous sommes au sein d'un bâtiment institutionnel. Bien que j'aime offrir du confort et de l'hospitalité à toute personne venant au château de Cléron, je n'en serai pas pour autant laxiste sur le protocole et le comportement à avoir. Nous sommes ici pour un entretien afin que je puisse évaluer votre candidature. Aussi je vous prie également de bien vouloir me nommer "chancelier" ou "Excellence".

Il marqua une pause durant laquelle il restait toujours de marbre, ne sourcillant pas une once, observant son interlocutrice.

Bon. Nous avons du chouchen. Pas le meilleur du monde : mais il est tout à fait respectable. Nous n'en donnerions juste pas aux émissaires bretons.

Il esquissa un léger sourire et fit signe au valet d'amener de quoi les désaltérer tous deux.

À présent veuillez me parler de vous. C'est sans doute l'exercice le plus dur de mes entretiens, ce que je conçois tout à fait : mais je le trouve nécessaire. Et par ce fait il est obligatoire. Vous pourrez en profiter pour me faire part de vos motivations, et me dire quelles ambassades vous souhaiteriez avoir, si une province vous plaît. À ce propos : pensez-vous pouvoir voyager In Gratibus pour la diplomatie?

Adèle s'était refermée aussitôt. Certes elle ne pensait pas non plus bavarder de longues heures avec son cousin, mais elle pensait qu'il aurait eu besoin de repos. Aussi, elle hocha la tête sobrement, et saisit le verre de chouchen que lui tendait le valet et le remercia d'un nouveau signe de tête.

Très bien Excellence. Votre chouchen fera en effet l'affaire.
Quant à vous parler de moi, j'ai déjà tout dit. Je suis la sœur de Boromyr, cousine de Sharlnak, burgrave de Bolland. J'ai été élevée en Bretagne, dans une famille honnête et pieuse....

Elle reprit une gorgée de chouchen, le fixant toujours de son regard devenu sombre. Elle ne voulait pas parler de cette foi. Alors, elle ne rajouta rien sur ce sujet. Légère toux. Elle reprit :

Voyager In Gratibus, pourquoi pas. Je n'ai aucune destination de prédilection. Mais puisque nous en venons à parler de mes désirs, et de mes... Ambitions, alors voilà : Je souhaite rester en Franche Comté. Je me disais que je serais sans doute utile à Cléron. Prenant une nouvelle inspiration, elle rajouta :Enfin, comme il plaira à votre Excellence bien sûr.

Cesare écoutait, le visage neutre, bien qu'intérieurement torturé par la réflexion.

Que recherchez-vous ici, alors? Que voudriez-vous exactement faire?

Il prit une courte pause durant laquelle il buvait une mince partie son chouchen en fines gorgées.

Quelles langues pratiquez-vous, et à quel niveau?

Adèle lui sourit, mais un peu plus froidement. Elle réfléchissait, et un masque se lisait sur son visage. Elle n'était pas habile pour masquer ses sentiments, et elle avait encore en mémoire la "fraîcheur" de son cousin. Que cherchait-elle ? Elle ne le savait pas vraiment elle-même, mais en prenant une inspiration, et buvant une gorgée pour se ragaillardir elle reprit :

Je ne cherche rien. Je propose mes services. A vous de voir où vous avez besoin de moi. Tout simplement. Dans l'idéal, je dirais un travail de secrétaire ici. Mais, je serais un outils dans vos mains... Excellence.

Nouveau sourire, plus sincère celui-là. Cesare l'avait percée à jour, il voyait l'ambitieuse en elle, mais pourtant, elle savait aussi rester à sa place. Que voulait-elle ? Sa place au soleil bien sur. Mais pour ça, elle était prête à travailler durement. Nouvelle gorgée de Chouchen. Nouveau sourire.
Pour les langues... Je dirais que je maîtrise assez bien toutes les langues du royaume de France, Archiduché d'Anjou compris, Bretagne aussi d'ailleurs. En gros, le roman. Et que je me débrouille bien en Anglois. Suffisamment pour tenir une conversation orale, et traduire correctement des traités notamment. En Castillan... C'est plus compliqué, disons qu'à l'écrit ça doit pouvoir le faire. Mais à l'oral... non, pas du tout. Les autres langues... Je dirais le latin, c'est tout.

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